Plus d’eau, plus d’espèces, plus de crème solaire, un passeport d’urgence à la reconnaissance bancale, quoiqu’internationale… Cette route qui s’étendait devant nous, avec en ligne de mire le Cambodge, ne commençait décidément pas de sous les meilleurs auspices…
Rassurez-vous, nous aurions toujours pu choisir d’acheter de l’argent dans un distributeur, mais voulant éviter les frais et commissions inhérentes à ce genre de choses, nous espérions nous passer de cela.
Le postulat était simple, un visa coûte 35 dollars (70 pour nous deux), le bakchich fluctue entre 1 et 5 dollars, un aller simple jusqu’à Kep, notre prochaine ville étape coûte 8 dollars en minibus (payable d’avance, soit 16 pour nous deux) ou 10 dollars par personne en moto taxi, ou bien 130 000 VKD en taxi pour nous rendre à la frontière et un hypothétique montant pour la seconde partie.
Nous avions en poche 66 dollars US, 20 dollars singapouriens, 20 euros français, 100 Nuevo soles, 3 dollars caribéens et 481 500 VKD. Nous avions plus d’argent qu’il n’en fallait, mais aucun bureau de change aux alentours… Et les banques n’acceptaient que les dollars US. Nous étions mari !
Pour l’eau le problème s’est résolu très vite, il nous fallait juste être patients, me baladant toujours avec des pastilles micropures, une heure plus tard nous aurions de l’eau potable.
Mais une heure plus tard, où nous trouvions nous ?! roulements de tambours.
En train de passer la douane ! Oui nous y sommes, face à un douanier cambodgien, nous parlant en français, surprenant, certes, mais n’oubliez pas l’Indochine… Beaucoup de personnes parlent français ici, surveillez vos propos ! rire.
Une visite médicale de pure formalité où vous vous devez de « payer » 1 $ (ou pas).
Pour enfourcher nos motos taxis, rouler une quarantaine de kilomètres et enfin arriver dans le fief du poivre vert, la ville où il se crée, s’exporte, se récole, se vend et se déguste, Kep la bien nommée !
Ce soir nous mangerons du crabe… au poivre vert !
Qui fut d’ailleurs un vrai délice.
Après avoir eu un temps si limité au Vietnam, 2 semaines (c’est le temps maximum que peuvent y rester les Français sans visa), nous avons devant nous un mois pour nous balader au Cambodge… Quel luxe ! Jamais plus je ne resterais que deux semaines dans un pays, c’est bien trop frustrant !
Donc un mois pour visiter le Cambodge ou tout du moins les endroits où aventures et rencontres nous porteront.
Mais prenons le temps de vivre, reposons-nous, décompressons… ici il y a temps à faire : la plage, l’eau, le soleil, la forêt, des siestes… nous ne sommes pas des brutes.
Vous ne me croyez pas ? Pas capable de me reposer ?! Qu’à moitié ?!
Rire, vous avez bien raison, nous nous sommes quand même baguenaudés dans la campagne alentour.
Il faut savoir que Kep devait être le summum de la station balnéaire cambodgienne, elle devait concurrencer Sihanoukville… hélais, la mayonnaise n’ayant pas prise nous nous retrouvons donc dans une ville presque fantôme, où une grande partie des habitations sont abandonnées —quand elles sont achevées — les routes étant à la mesure des prétentions immobilières, immenses 2×3 voies… sur lesquelles vous roulerez seul, slalomant parfois entre les vaches, c’est plutôt folklorique.
Mais Kep c’est aussi son marché de pêcheurs où vous serez attiré par les odeurs, déambulant entre les barbecues, vous interrogeant sur ce que vous dégusterez de la pêche fraîche du jour ! Un régal.
Un « Parc national », après la forêt amazonienne, j’ai plutôt l’impression d’une balade dans fontainebleau, mais ne faisons pas le difficile la forêt m’avait manquée, c’est un plaisir que de la retrouver ! Allez j’exagère, certains passages furent amusants, parfois même « difficiles».
Si vous voulez prendre le temps, il y a même à la fin de cette balade une serre remplie de papillons. Pour ma part après une rencontre avec un entomologue compulsif du filet et du cyanure, j’ai du mal à les imaginer autrement qu’en liberté.
Et bien sûr, tout autour de Kep, des marais salants. Je ne savais pas cette région réputée pour sa fleur de sel, mais qu’importe, cela me rappellera Saint Barth, et de plus, un couché de soleil se réverbérant sur une saline… Waouh ! C’est parti pour 30 kilomètres en scooter à travers la campagne, à chercher, demander, essayer, se tromper, recommencer… Tout en surveillant la course du soleil, pour finalement les trouver, arrêter un vendeur de glace en moto taxi, et profiter de ces quelques instants de calme sur l’horizon ! Une vie d’aventurier, que voulez-vous !? 🙂
Koh Rong, Koh Rong Sanloem, ou la Koh Kong lointaine, nous nous interrogeons, laquelle sera la plus préservée ? La plus naturelle ?
C’est que nos deux aventuriers ont un projet, une fois arrivé sur l’île, la traverser de part en part pour trouver l’endroit de leur campement idéal. Une sorte de jardin d’éden à l’autre bout du monde, où les fruits tomberaient du ciel (merci Newton), où l’eau serait fraîche et désaltérante (merci VanDamme) et où nous pourrions passer quelques jours loin de tout, des gens du monde et des connexions Wifi…
Alors voilà, nous avons choisi Koh Rong où Sacha s’était rendu quelques années plut tôt, en en gardant des beaux souvenirs, de plages désertes ou alors si peu construites, imaginez plutôt : « 7 kilomètres de plages, plus éblouissantes que le soleil, d’un blanc immaculé. Des grains de sable si fins qu’ils semblent échapper au temps lui-même. Une eau transparente sur laquelle le ciel a suspendu sa course, immobile. Rien, le temps ne s’y écoule plus, notre seul moyen pour le mesurer étant notre fatigue et notre appétit. »
Ne serait-ce pas merveilleux ?
Les voici donc, nos deux excités de la solitude, sur le toit du bateau les menant au doux ronronnement du moteur en direction de Koh Rong (comme il n’y a pas de petites économies, préférez le slow boat, 10 $ au lieu de 20….).
Après deux heures de traversée, les voici en vue de la première île, Koh Rong Sanloem, la plus sauvage, celle où il n’y a rien, quelques hôtels perdus par endroits seuls, où partout ailleurs la nature prédomine.
Prédomine !? Prédominait plutôt ! Cela aurait dû leur mettre la puce à l’oreille quant à la suite de leur expédition.
Car oui, déjà les voilà en vue de leur terrain d’aventure, si la plage principale fût de tout temps habitée, maintenant s’y élève de toute part le bruit des bétonnières, des scies circulaires et des marteaux piqueurs. Adieu paisible village de pêcheur et bienvenue resort de luxe !
L’explication ?
Simple, un conglomérat chinois a acheté la concession de l’île pour 99 ans, l’année prochaine s’y élèveront aéroport, casino, resorts de classe international, le monde change et décidément trop vite pour nous !
Mais n’abandonnons pas ! Nous avons une nuit pour recueillir le maximum d’information sur « l’autre » côté de l’île. La partie sur laquelle nous fondons tous nos espoirs, où après études des clichés satellites nous avons repéré rivières et cascades, forêt vierge et promesses d’aventures.
Cette soirée sera aussi l’occasion de rencontrer nombres voyageurs, que nous retrouverons le long de notre périple.
Départ matinal, profitons de la fraîcheur, nous avons appris la veille que les cascades servaient maintenant de sources d’approvisionnement en eau douce pour les hôtels, fermées au public et surveillées, elles ne laissent plus qu’un filet d’eau anémique s’en écouler. Nous aurons le problème de l’eau douce à gérer.
L’on nous a aussi appris qu’une route était en train d’être construite à travers la forêt pour relier l’autre côté de l’île, permettre aux engins de chantiers de s’y déplacer à leurs aises… arriverons-nous avant eux !?
Mais comme ce monde nous réserve encore de belles surprises, nous retrouvons en chemin trois charmantes Chiliennes rencontrées la vieille, puis notre ami Guillermo, Brésilien, professeur de géographie en villégiature, voulant améliorer ses connaissances du monde.
Nous ne serons pas de trop pour construire notre monde, pour sauvegarder nos espoirs, car déjà, au loin, un ronronnement familier nous guide, ce sera notre première vision en sortant de la jungle : une forêt dévastée, la terre retournée, éventrée et partout des pelleteuses en actions.
Marchons, marchons, cette magnifique plage doit bien offrir d’autres havres de paix !
La plage, d’ailleurs parlons-en, si en général je fais mon blasé, surtout après les caraïbes, sur ce coup-là je n’ai rien dit, la mâchoire m’en est tombée. J’ai juste du lâcher un merdalors-c’estvraimentbeau-lescons-ilsgachenttout !
La plage s’ouvre en croissant de lune sur la gauche, sable blanc (mais vraiment blanc, promis, comme l’écran de fond de cet article !), pas de vent, l’eau est lisse au possible, quelques bateaux semblent posés dessus, suspendus entre le ciel et le fond de la mer. J’en reste pantois. C’est vraiment magnifique.
Nous marcherons dessus pendant 1 heure, longeant la végétation, palmiers, pins et divers arbustes. Slalomant entre les centaines de déchets charriés par le vent et la mer, contemplant sur notre gauche cette infinité, magnifique, pour ne surtout pas que notre regard se porte à notre droite, s’émeuve devant ces tas d’ordures, cette forêt dévastée, ces constructions erratiques et aléatoires en bétons qui partout poussent. Non vraiment, de paradis perdu ces lieux n’en auront bientôt plus que la mémoire.
Mais qu’importe déjà nous trouvons notre campement, installons nos hamacs, avec vu sur mer s’il vous plaît. L’endroit est agréable, battu par les vents, l’eau est chaude et agréable, salée certes, mais juste ce qu’il faut pour ne pas ressentir le besoin de se douche. Pratique pour économiser de l’eau. Un bar de hippies 20 minutes plus loin nous fournira l’avitaillement en bouteille d’eau. Pour la chauffer, nous utiliserons deux techniques : de nuit, la réalisation d’un feu dans lesquels nous mettrons des noix de coco remplies d’eau, temps avant ébullition, plus ou moins une heure. La journée, nous poserons nos bouteilles d’eau fermées directement au soleil sur des déchets noirs glanés le long de la plage. Temps pour obtenir de l’eau chaude : 30 minutes.
Notre alimentation ? Pâtes et riz déshydratés, sardines en conserves et pain de mie. Matin, midi et soir… Les vacances je vous disais !
Avez-vous une idée de pourquoi nous avons choisi cette plage ? Aucune ? La nuit, ça brille…. Et oui, bienvenu à l’invité surprise nocturne, le plancton bioluminescent, batailles de lumières, rires d’enfants et réjouissances nocturnes seront donc de partie. D’autant plus, que la nouvelle lune ayant eu lieu hier, nous avons une vraie nuit d’encre, parfaite
pour se perdre permis toutes ces lueurs, entre étoiles et plancton… wahou !!!

Mais alors, pourquoi en sommes nous déjà partis ? Comment se fait-il que j’ai internet et que je puisse vous écrire ?! Simple et embêtant, voilà une semaine que je traîne une indigestion. Si elle m’offre l’avantage de me réveiller en pleine nuit pour contempler les étoiles, celle-ci m’épuise et je pense qu’il est temps pour moi d’aller voir un docteur. Alors, faisons comme dans les temps ancestraux, marchons, prenons le bateau, le bus… et montons à la capitale, à la recherche d’un toubib !
À bientôt vous !