Bienvenue aux Australes

Le temps coule, doucement, nous fuyant parfois, nous étouffant a d’autres moments, impétueux ou paresseux, jamais innocent, si dur à savourer.
Des secondes peuvent être interminables et des heures ne durer que le temps d’un souffle. Un bateau est un point mouvant, dans le temps, et l’espace, entre un départ et une arrivée, une arrivée bien incertaine d’ailleurs, mais voilà, quand soudain on change d’échelles, que la Terre est en vue, ou tout du moins à portée d’heures, une excitation sans nom s’empare du bateau.
Allez trouver le sommeil, quand après des jours de mer vous savez que la terre est enfin là, au bout de vos yeux, dansant à l’horizon…
Que ces mots sont savoureux à écrire :
« Terre ! Terre ! Terre ! »

Si seulement… cela ne s’est malheureusement pas passé comme ça, abattu de fatigue je dormais quand l’homme de quart, Max, a enfin aperçu la terre. Je dormais quand il s’est mis à chanter et trépigner de joie. Je dormais toujours quand les premiers reliefs de l’île apparurent à l’horizon. Que voulez-vous, en bateau il faut dormir, j’applique la consigne.

7 h, j’émerge, la Terre au Nord-Est se découpe doucement, baignée dans un lever de soleil rougeoyant, c’en est terrifiant ! L’île ne semble être faite que de sommets et de pics, escarpée, entourée de falaises, inaccessible. On la dirait sortie tout droit d’un film d’horreur, où les dinosaures et Docteur Moreau se disputent l’affiche.
Mais qu’importe, cette Terre, droit devant, c’est la nôtre, presque 17 jours que nous nous battons pour y arriver, que nous ne sommes entourés que de nuances de bleu, nous aimerions bien un peu de vert et puis des fruits, et un sol, stable sous nos pieds, qui ne nous envoie pas en permanence rouler d’un bord à l’autre.
Alors peu importe son apparence, nous mettons toute la toile et la regardons avec joie grossir à l’horizon.

Raivavae (prononcer GaivAvAe) est une des iles de la Polynésie française, elle fait partie de l’archipel des australes et se trouve par 23 degrés de latitude Sud.
Autant dire qu’ici, le climat est frais, surtout que nous arrivons en plein hiver, les vahinés portent des pulls et les boissons chaudes ne sont pas une option ! Ambiance tropicale…
900 habitants, un petit aéroport, un poste de gendarmerie, 4 villages et 4 églises, une boulangerie — ne faisant le pain que sur demande — de l’eau de pluie dans les tuyaux et deux requins — un citron et un tigre — se partageant le lagon, Iaorana au paradis ! (Bonjour en tahitien)
Après 16 jours, 22 heures et 50 minutes, nous jetons l’ancre dans la baie, enfin.

Première étape, déclaration de douane, direction la gendarmerie… ils sont fermés, ici nous sommes sur les iles, il faut s’adapter au rythme !
Puis la poste, pour acheter du cash, la monnaie ayant cours est le franc polynésien, 119,33 pour 1 euro ou 75 pour un dollar néozélandais. Sympa pour les conversions.
Un petit commerce, nous y dépenserons nos premiers deniers. Ne vous attendez pas ici à trouver monts et merveilles ils ne sont pas spécialement bien achalandés, mais proposent l’essentiel, glaces et fraises tagada, un régal !
Par contre il est étonnant d’y trouver de nombreux produits en provenance de Nouvelle-Zélande, qui plus est moins chers que là-bas… Serait-ce une revanche du Rainbow Warrior ?

Ici, les gens aiment à rire, ils ne disent que quelques mots, mais chacune de leurs phrases finissent dans un grand sourire, assez souvent, dans un éclat de rire.
La vitesse en voiture ? 30 à 40 km/h, ils ne sont pas pressés, et puis de toute façon, elle tourne en rond cette route, alors, à quoi bon se hâter !
Il flotte dans l’air un doux parfum de bonheur et de laisser-aller que ne saurait troubler le reste du monde. Il va être dur d’en partir.

10 h du matin, nous avons rendez-vous avec Clarisse, elle est née et a grandi ici, un passage en métropole, 15 ans à Tahiti, et la voici de retour, c’est son ile et elle ne veut plus la quitter.
Dans son gros 4×4, nous partons explorer les alentours. De petits chemins en anecdotes, de Marae (site « archéologique polynésien) en rencontres, nous nous retrouverons à visiter tous les jardins de sa famille. Canne à sucre, pamplemousses, oranges, citrons, piments, bananes, caramboles, goyave… et encore, si nous étions là en été (décembre) nous aurions eu le droit aux litchis, fraises, framboises, pommes, poires et papayes ! N’en jetez plus, c’est une profusion de fruits que nous ramènerons au bateau, nous voici prêts pour les prochains jours ! Merci Clarisse.

 

Le « litophone », ancêtre du « phone » ou du smartphone, moyen rapide et efficace de communiquer s’il en est !

Les levers de soleil, ici, ressemblent à ceux des Antilles, très rapides. À la fraîcheur de la nuit succède rapidement le poids du soleil, et aujourd’hui, il est en forme, ça tombe bien, nous avons prévu d’explorer les motus alentours et peut être même, de nous baigner !
Un motu ? Simple, pensez à ces îles paradisiaques, de sable blanc, ceinturées par une barrière de corail, où de-ci et delà apparaissent des arbres indiquant quelques îlots perdus, et bien c’est cela les motus. Une mini île déserte à explorer, et le coin, ici, en regorgent, chouette !
L’annexe est à l’eau, le moteur vrombit, aucun aileron à l’horizon, en avant !

 

Quelques bains, châteaux de sable et noix de coco plus tard, nous voici de retour sur notre navire.
C’est qu’une partie de l’équipage se sent flouée : si nous avons l’ile paradisiaque, nous n’en avions pas la température ! Imaginez, pas plus de 20 degrés (quand on s’attend à 30/35), les iles australes portent bien leur nom !
Aussi dès cette après-midi nous ferons cap au Nord, pour quelques 400 MN en direction des îles de la société, dont la plus connue n’est autre que Tahiti.

Si les cartes météo nous promettaient des alizés établis, soufflant 10 nœuds d’est, pour une navigation au travers, confortable et rapide, la réalité est bien différente : nous nous trouvons dans un marais barométrique, un vrai, un de ceux ou l’espace entre les isobares est si étendu (1200 kilomètres) que les promesses de vent s’envolent bien au-delà de l’horizon. Damned !

Nous alternerons donc les passages à la voile et au moteur, et quand enfin les alizés se lèveront, 20 nœuds, de ¾ arrière, parfait, la consigne sera de ne pas aller à plus de 4 nœuds, vous comprenez, nous voudrions arriver au lever du soleil, franchir « la passe » de jour.
Me voici donc, a une heure du matin, enroulant le génois au maximum, ne gardant que le minimum de toile, quelle frustration que de devoir ralentir quand pendant des jours nous avons attendu le vent !
Mais enfin, les étoiles sont au rendez-vous, il fait chaud (les quarts de nuits ne se font plus qu’en short) et Tamariki nous berce d’un lent roulis, parfait.

Tahiti, Maeva (bienvenue), nous y arriverons pour la finale du Championnat du monde de va’a.
Va’a, qu’est-ce que c’est ? Les pirogues traditionnelles polynésiennes, et comme en plus c’est Tahiti qui mène, autant vous dire qu’il y a une ambiance folie, impossible de trouver du calme dans la grande ville de Papeete.
Presque 30 000 habitants, un aéroport international, des grandes industries, un port de containers, un bateau de guerre, ça faisait longtemps que nous n’avions pas vu une telle animation, et senti une telle odeur, si la civilisation peut avoir du bon, elle n’en a pas toujours la saveur ni l’odeur !

Alors, vite, partons direction Moorea, sa voisine et petite sœur, qui semble si tranquille, sans grands ports et pleines de petits mouillages !
Moorea, dont les principales ressources sont le tourisme et la culture de l’ananas. Moorea, centre névralgique pour les missionnaires protestants dans le pacifique. C’est d’ici qu’ils ont rayonnés et répandu leurs paroles à travers les îles. Comment sont-ils arrivés aussi loin ? Je commencerai presque à croire que la foi donne bel et bien des ailes. Mais ils ont bien choisi, car ici, a nous le calme et la volupté !
Un couple d’amis, amis d’un ami Kiwi, navigateurs aux longs cours, ont choisi d’échouer leur bateau ici il y a une quinzaine d’années.
Ils nous le répéteront, encore et encore, si Moorea ce n’est pas mal, ce n’est rien compare aux Marquises, aux Vanuatu et a tous ces atolls, perdus le long des vagues, d’où parfois émergent des montagnes qui caressent le ciel.
Pas assez de temps pour cette fois-ci, mais vraiment, la prochaine fois, je viendrais de l’Est et suivrais les alizés, pour être sûr de n’en rien rater.

Des quelques jours à Moorea nous prendrons le temps de visiter l’ile et de nous rendre au sommet de son immense Caldera, l’ancien cratère du Volcan, pour avoir une vue plongeante sur la chose, une dizaine de kilomètres de diamètre, immense et démesuré, impressionnant ! Et dire que ce n’est qu’un « petit » volcan.


Nous irons aussi faire de la plongée a l’entrée de la passe du lagon et a l’extérieur, l’occasion d’apercevoir de près quelques requins, pointes noires et citrons, majestueux et menaçant, comment peut-on avoir autant de dents dans une si petite bouche !?
Si poétique à voir, quelques lents et sensuels mouvements et ils sont déjà loin, emportant avec eux leurs secrets, votre émerveillement et vos peurs.
Des tortues, poissons de récifs, coraux… une vie éclatante et proliférante, mais pourtant en danger, qui a besoin d’être protégée et mieux connue.
Alors, d’ailleurs si le cœur vous en dit, si votre porte-monnaie a quelques deniers, allez jeter un œil ici.

 


Si d’aventure, le soir, une fois votre repas achevé, votre énième petit punch savouré, vous vous prenez à jeter par-dessus bord des restes de votre repas, nourrir les animaux dans votre jardin, ne soyez pas étonnés d’entendre et de voir des frétillements dans l’eau, une nuée d’ailerons se précipitant, se chamaillant et se tournant autour. Ils sont là, une douzaine de pointes noires, autour du bateau, a la lueur de la lune, c’est magnifique.


Mais déjà il nous faut partir, hisser les voiles et regagner Tahiti, son aéroport international et la vie qui nous attend, de l’autre cote du monde.

Mais avant cela, 50 heures de vol, Papeete, Tokyo, Moscou, Paris… en avant pour un second tour du monde.

J’en aurai rencontré des gens ici qui me parlent d’iles paradisiaques, de monts qui chatouillent les nuages, d’atolls que ne font que caresser la surface de l’horizon.
De gens, qui m’ont fait rêver à me narrer l’impensable, ou alors celui que l’on imagine sorti d’un autre temps, d’autres mœurs, que l’on n’imagine plus en fait, que l’on contemple comme un rêve lointain, inaccessible, à peine suggéré, déjà évanoui, évaporé.
Plus qu’un retour a la terre, un retour a la vie, a la simplicité et a la jovialité.

Alors, comme j’en suis à peu près sûr, un jour, j’irai a nouveau, et peut être bien, vous aussi.
Passez s’il vous plait voir les marquises que chantais Brel, passez voir les Vanuatu et les Tuamotu, passez voir Rappa, et puis pourquoi pas, arrêtez-vous.
Des iles d’un autre temps, pas si lointain, mais où ce que nous tous, voyageurs ou sédentaires, vous et moi, ce que nous tous nous cherchons notre vie entière, là-bas, on pourrait bien un temps, le toucher du bout des doigts.

Quelques mots pour vous y aider :
Bonjour              Iaorana
Au revoir            Nana
Merci                  Maruru
Comment va ?   Eaha Te Huru
Bien                     Maitai
Ile/Terre             Ferva
ilots                     Motu
De rien                Na Ria
bon appetit        Tanaa Maitai
Non                     Aita
Oui                      Te
Capitaine            Tapi
Commandant    Tomara

Pour la prononciation, c’est simple, les « u » sont des « ou », les « e » sont des « é », les « h » des « hé » et les « r » se roulent en souriant.
D’ailleurs, oui, le sourire et le rire sont primordiaux ici, alors n’hésitez pas, riez à gorges déployées ! 😊

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