de 2734 à 3926 kilomètres

Mais où sont-elles ?
Voilà maintenant 30 minutes que j’ai rebroussé chemin, le regard braqué du côté opposé de la chaussée et que je les cherche. Rien, toujours rien ! Non, s’il vous plait, j’aimerais bien les retrouver ! Je veux les retrouver !
Mes chaussures voyons, trop douloureux du fait de la tendinite de conduire avec, elles sont donc attachées sur le porte-bagage, enfin, elles étaient attachées, maintenant elles marchent quelque part de leurs propres pas, et moi, je leurs cours après !

Et la nuit qui doucement tombe, bientôt je n’y verrais plus rien, ce n’est pas la peine de compter sur mes phares pour m’éclairer et m’aider à les trouver, pour le peu qu’ils éclairent, il faudrait que je tombe nez à nez avec elles. Zut, zut de zut, si encore je pouvais circonscrire une zone de recherche, mais voilà mon dernier arrêt remonte à deux heures, autant dire, une éternité, 120 kilomètres. Tout a pu arriver. Elles ont peut être pris leurs jambes à leurs cous, ou alors quelqu’un ayant eu pitié d’elles les as recueillies, je ne le saurais jamais, la nuit tombe et il va bien falloir que j’arrête de chercher, en vain… (a l’heure actuelle je me pose encore la question : et si…?)
Oui, je comptais les changer arrivant en Nouvelle-Zélande, mais j’ai marché dans tellement d’endroits avec elles, Sahara, Néguev, Alpes, Irlande, Foret Amazonienne, Andes Péruvienne, Jungle de Manhattan, plaines de Toscane, Vietnam, Thaïlande…
De qui est-ce que je parle ?
De mes chaussures de randonnées, voyons, pour un marcheur, un de ses biens, sinon le plus précieux !
Usées et âgées, élimées, à moitié étanche, mais j’avais pour elle une affection certaine, j’aurais aimé pouvoir choisir le moment de notre séparation future ! Une poubelle, oui, mais une belle !
Peut-être est-ce le problème du voyageur solitaire, il donne une âme et une vie à ses objets. Il va falloir que je surveille cela !

Je refais demi-tour, il me reste plus de 150 kilomètres jusqu’à Tam Coc. Oui, je persiste dans mon entêtement, je dormirais là-bas et nulle part ailleurs, je dois bien ça à mes chaussures disparues ! J’irais jusqu’au bout de la nuit ! (Musique dramatique et regard du héros levant les yeux sur les nuages s’amoncelant à l’horizon).
Si sur le coup l’argument me semblait fallacieux, maintenant en l’écrivant, je le trouve si stupide que j’en ris.

Conduire de nuit au Vietnam est toute une expérience. Dire que c’est « potentiellement dangereux » serait une litote, conduire de nuit au Vietnam, sur une route encombrée de camions, de motos et de scooters, ne s’arrêtant sous aucun prétexte, relève de l’exploit, ou de la folie, au choix.
Et si en plus l’orage qui grondait se décide enfin à se déchaîner, zébrant l’horizon d’éclairs tous plus grands les uns que les autres, vous aurez une vision homérique de la chose.
Comble du hasard, c’est ce moment que choisit mon baladeur pour enclencher cette musique… Homérique vous dis je !

C’est sous une pluie battante que j’arriverais, trempé, aux alentours de 21 h dans mon gite du soir.
Nota Bene : si je trouvais que conduire 4 heures était un maximum, qu’en est-il de 11 heures ?

8 juin, j’ai survécu à la journée d’hier, mais j’en porte encore les séquelles : fatigue et tristesse. Des courbatures, des bleus sur les fesses et plus de chaussures !
Me voilà bien.
Des chaussures de courses a pieds trop petites (synonyme de tendinite) des chaussures de randonnées disparues, ne me reste plus que mes tongs, et pour marcher comme pour conduire, ce n’est pas la panacée.
Mais il est 5 h 30, le soleil se lève sur les rizières, la nature est belle, apaisée, chassons ces sombres pensées et réjouissons nous de l’instant !

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Ici, j’atteins les limites de mon téléphone en matière photographique, je n’ai pas pu en avoir une seule de qualité. Promis, mon prochain achat sera un bel appareil. D’ailleurs, si vous avez des suggestions…


Tam Cốc, aussi appelé la baie d’halong terrestre, est un magnifique labyrinthe de relief karstique. Deux moyens pour vous y perdre :
– la moto, celui que j’ai choisi, avec ma compagne d’aventure (rencontrée à l’hôtel). Ici des petits chemins de terre, là-bas des allées entre les rizières, des tours et des détours, un régal ! Nous y avons passés des heures et chose particulière, tous les jours à partir de 4 heures, du fait du relief, de la température et de la proximité de la mer, des orages de chaleurs se créent. Rouler entre ces blocs gigantesques, l’horizon plein d’éclairs, puis rire aux éclats sous la pluie battante, voilà qui restera un bon souvenir de cet endroit !
– Le bateau, vous pouvez choisir de faire une balade en barque, au long de la rivière, il parait que c’est magnifique. Curiosité, les femmes rament en regardant devant elle (serions nous illogiques de ramer en regardant derrière ?), mais surtout, elles rament avec les pieds, et ça, c’est vraiment impressionnant !
Allez faire un tour ici pour les bons plans.


Des temples en haut des monts, des grottes souterraines, des balades sur des barques dirigées par des pieds, des pagodes secrètes avec des escaliers derrière — oui, il écrit accès interdit — mais personnes alentour, allons voir, grimpons… Quelle vue, mais plus de batteries pour les photos, il faudra me croire sur parole !

L’orage arrive, rentrons avant qu’il n’explose, d’autant que ce soir j’aimerais changer d’hôtel pour pouvoir partir tôt demain matin.
Je slalome entre les buttes de terre, m’égare dans les rizières, qu’est-ce que je l’apprécie cette moto et sa liberté.
Un tas de terre nous barre la voie, je demande a ma passagère de descendre, nous déblayons succinctement le chemin, elle passe, je passe, je tombe, la moto tombe, plouf dans la rizière, mes tongs sont aspirées au fond. Mince, me voilà maintenant va-nu-pieds ! Je n’ai plus rien pour me chausser !
Je rigole de cette erreur, elle me regarde avec des yeux éberlués, je lui explique que c’était prévisible et que je déteste faire des erreurs prévisibles. J’aurais dû descendre de la moto, revenir sur mes pas, déblayer davantage, il y avait des dizaines d’options !… (Que la fatigue empêche de voir, NE JAMAIS CONDUIRE 11 HEURES DE SUITE !!)
Alors plutôt que de pester dans le vent contre mes propres erreurs, je préfère en rigoler, intact. 
Intact ?
Pas exactement, à la tendinite du pied gauche s’ajoute maintenant une énorme brûlure au droit, c’est que dans la chute mon pied a du enlacer le pot échappement un peu trop longtemps. La peau tombe, ça saigne par endroit, ça fait mal, très mal, vite, rentrons à l’hôtel, nettoyons, rinçons, laissons couler l’eau claire dessus, le moindre souffle d’air est douloureux, alors que dire de l’eau fraîche qui coule…

De la bétadine en gel, une compresse de tulle gras, les conseils d’une infirmière voyageuse et me voilà partit, 15 kilomètres jusqu’à la ville, si je n’ai plus l’envie de partir tôt le lendemain, je préfère quand même être en ville où la nourriture et les soins seront moins chers et surtout plus accessibles.
Mais voilà, l’orage gronde, je me perds dans des impasses, la douleur me vrille les tempes, conduire est délicat — pour ne pas dire douloureux — impossible de trouver l’hôtel, je crois que j’en ai (vraiment) marre. Je me mets à rêver à mes amis, ma famille, un chocolat chaud, la sécurité d’un toit, la certitude de lendemain facile, l’entraide des gens que l’on aime. Être seul maintenant, c’est dur, je m’accable de reproches, réfléchis à comment faire mieux la fois prochaine, ne pas répéter ces erreurs.
L’orage éclate, merci, enfin !
Si lui aussi se le permet, je vais pouvoir y mêler moins honteusement mes larmes. Le découragement, c’est dur, mais c’est aussi un bon moyen de trouver en soi force et motivation pour avancer,  de tester sa détermination.

Hôtel, repas, gâteau au chocolat et au dodo. Le repos seul sait panser les plaies.

9 Juin, ça va mieux, un peu, je m’interroge sur la suite de mon parcours, sur le temps de repos nécessaire, sur la remise en cause de mes étapes…
Premier objectif, trouver de quoi marcher, n’importe quoi, pieds nus ce n’est pas sûr. J’emprunte une paire de tongs à l’hôtel et me voilà parti dans les rues à la recherche du Graal. Introuvable, évidemment !
Je me rabattrais sur une paire de sandales, pleines de poussières, ce n’est pas courant de vendre pour eux du 45, elle a du l’extraire du fin fond d’une réserve. Négociée à 40 000 VND, je les recollerais par 3 fois : merci les contrefaçons.
Je comprends maintenant ces vendeurs se promenant partout avec des tubes de colle dans les mains, malins ! Ils ont su s’adapter au marché de la mauvaise qualité. Dommage pour eux, je voyage toujours moi aussi avec un tube de colle !

J’ai maintenant des chaussures (à la qualité douteuse), mais mon stock de bétadine et de tulle gras descend dangereusement. Ici impossible d’en trouver, je suis à moins de 100 kilomètres d’Hanoi, c’est bien le diable si je n’y trouve pas mon bonheur !

Par contre, y aller signifie changer radicalement mes plans, je devais de Tam Coc partir directement plein Ouest pour Diên Biên Phu, si je vais a Hanoi, j’écarte cette option et devrais me trouver un itinéraire de substitution. Ce qui n’est peut-être pas une mauvaise idée, je suis fatigué, je commence à en avoir assez de conduire, pourquoi ne pas revoir ce parcours à la baisse ? Plus petit certes, mais avec plus de temps de repos, de possibilités de rester quelques jours au même endroit.
Ajudgé vendu, j’irais à Hanoi et j’accepte de faire une croix sur la découverte de tout le Nord-ouest vietnamien, ce sera pour la fois prochaine.

10 juin, en route pour Hanoi, j’avais oublié cette atmosphère si particulière quand on s’approche d’une grande ville, saturée de pollutions, irrespirable. Lors des 50 kilomètres précédant mon arrivée, je ne verrais pas une seule fois le ciel, perdu derrière les nuages de grisaille.
Curieusement a Hanoi il fait beau et c’est sous un ciel bleu que je trouverais ce qu’il me manque !
Les pharmacies sont bien achalandées, je trouve sans aucun souci les produits désirés. Pour les chaussures ce sera plus compliqué, j’ai du faire une dizaine de magasins pour en trouver un qui ne vende pas de contrefaçon, où les deux pieds aient la même taille… par contre, je les payerais au prix fort, 4 475 000 VND (180 euros) et même si je récupérerai une partie de la TVA a l’aéroport, cela me fait mal.
Et pourquoi déjà ?
Parce qu’une semaine avant j’avais décidé de ne pas prendre le bus pour économiser 20 euros, j’ai donc conduit des heures, perdu ma paire de chaussures, mes tongs, gagné une belle brûlure…
Toujours écouter son premier avis, surtout si c’est pour se ménager !
Ne jamais perdre ses chaussures, encore plus quand elles sont faites à votre pied, en trouver une autre paire serait un vrai défi !

J’ai bien réfléchi quant à la suite de mon itinéraire et revu celui-ci à la baisse. Direction le Nord et aucune étape de plus de 189 kilomètres. Aucune.

Je n’irais pas non plus à SaPa/Lao Cai, le plus haut sommet du Vietnam s’y trouve, si j’y allais il me narguerait et je ne pourrais m’empêcher de relever le défi de faire son ascension aller/retour dans la journée. En général, les gens le font en deux ou trois jours, mais j’ai vu que certains s’amusaient à le faire dans la journée, on court tout du long, on transpire, on en bave, bref tout ce qui me plait !  Ce sera pour mon prochain voyage !

Grâce à Quy et sa famille, je peux laisser un de mes sacs, le plus gros, chez un de ses cousins. Je voyagerai donc léger pour ces deux prochaines semaines. 2 paires de chaussettes, 2 boxers, un short, un pantalon et 2 T-shirts. Ce sera lessive tous les soirs, la légèreté est à ce prix, mais quel bonheur !
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Voici en rouge l’option courte, en bleu, la version longue, si l’envie me prend de passer ou non par Lang Son, je verrais bien au fur et à mesure.

11 juin, direction Thac Bac et son lac, 146 kilomètres au Nord Ouest d’Hanoi. Lac artificiel conçu dans les années 70, il abrite sur son pourtour de nombreuses ethnies minoritaires. Ce sera l’occasion de quelques arrêts, de flâner au long de l’eau et de voir si je suis toujours capable de m’exprimer convenablement pour demander aux gens si je peux dérouler mon tapis de sol chez eux…
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12 Juin, la maisonnée se lève tôt, 5 h, j’en profite pour filer dans l’aube naissante. Aujourd’hui, 172 kilomètres, direction Ha Giang, plein nord. Sans pauses, j’arriverais vers les coups de 9 h, comme j’aime bien les détours j’arriverais à 11 h. Grande ville, plutôt grise, je n’ai pas encore eu de réponse positive par rapport à mes requêtes pour couchsurfer, alors à tout hasard je cherche dans la ville un logement pas trop cher, j’en ai repéré un sur internet : Allons voir.
Devant, de nombreux touristes, comme moi, ayant loué un scooter pour se balader dans la province les prochains jours. C’est, parait-il magnifique !
Nous commençons à parler des choses à voir et à faire, en anglais, jusqu’à se rendre compte quelques instants plus tard qu’eux aussi sont francophones, ils viennent du Québec. Le courant passe, ils sont sympas et souriants, je crois que je les aime bien, la ville me semble grise et triste, je ne tergiverse pas, je les suis.
Et bien voilà comment transformer une étape de 172 kilomètres en 262 kilomètres. Mais le ciel est beau, d’un bleu profond, il fait chaud, je suis heureux, la route à l’air belle et c’est plus sympa de se balader à plusieurs, c’est plus sûr aussi !
Je ne regretterais pas mon choix !

À partir de maintenant, la lenteur sera la clef. Effectivement, nous roulons entre 30 et 40 kilomètres-heure, nous arrêtant toutes les 5 minutes, et pour cause, le paysage est magnifique, les montagnes démesurées, le relief incroyable, nous sommes aux anges.


Mes nouveaux compagnons, au nombre de quatre, québécois, souriants, deux jeunes couples ayant choisi de prendre une année de césure pour voyager.
Ils ont des étoiles plein les yeux, des voix encore dans l’adolescence, mais un regard mature sur les choses. De ceux qui ont voyagé, découverts, curieux sur le monde.
Ça fait du bien de pouvoir parler, échanger, discuter au rythme des idées et des mots, sans contraintes.
Rire, je ne peux m’empêcher de nuancer cela en y repensant, quand je parle anglais, je me dois d’être concentré, attentif. En français, c’est le relâchement le plus total, langue maternelle où les sons coulent directement dans l’oreille, c’est un plaisir. Pourtant, le québécois/français, c’est une autre paire de manches, étonnant de devoir se concentrer pour entendre et comprendre sa propre langue !

Décidément que de rencontres, après des Québécois, voici que je tombe sur deux Français en goguette eux aussi dans la région.
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Nous sommes maintenant 7 à rouler de concert, à nous arrêter, nous perdre, nous retrouver. Discuter et échanger sur les lieux que nous rencontrons, les paysages, nos expériences dans le pays, c’est enrichissant ! Voyager seul, c’est bien, rencontrer des gens, c’est plus chouette !
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Et ce qui est encore plus chouette, c’est de pouvoir négocier nos prix, seul, l’hébergement revient cher, mais a sept, c’est une autre affaire, notre groupe suffisait parfois a remplir les hôtels ou nous dormions… Et puis c’est sympa de s’endormir avec des gens, de papoter avec eux jusqu’à ce que le sommeil vous prenne, par surprise, entre deux idées.
Et si en plus ce couple de Français avec qui je partage mes nuits est sympathique, jackpot !

13 juin, départ tout en douceur, c’est que voyageant à plusieurs nos rythmes ont besoin de s’accorder, je file avec les deux Français pendant que nos Québécois font la grasse matinée. Nous les retrouverons plus tard. Notre objectif de la journée, Ðồng Vãn,  distante de 78 kilomètres, mais attention, c’est trompeur. Nous ne mesurions plus les distances entre deux points en kilomètres, ni même en arrêt, mais en heures, roulant encore plus doucement qu’à l’accoutumée, 20 km/h de moyenne, s’arrêtant tous les décamètres, nous pensions ne jamais arriver avant la nuit.
C’est que nous en avons faits des détours, cherchant des villages cachés au bout d’interminables impasses. S’aventurant sur des routes à la recherche de champs de fleurs somptueux, malheureusement pour nous, la floraison aura lieu en septembre…


Mais surtout, nous avons fait un immense détour pour nous rendre à  Lũng Cú, ville la plus septentrionale du Vietnam. D’où du haut de sa tour nous avions un magnifique panorama sur tout l’horizon.
« Mais d’ailleurs, qu’est-ce, la bàs ?!
Ne serait ce pas ?
Mais si, c’est lui…
Napoléon arrive à pied par la Chine » Allez hop, bosser vos contrepèteries !
C’est que contemplant enfin la Chine, je n’ai pas pu ne pas y penser !


Si je n’ai pas pensé a fêter les 1000 premiers kilomètres, c’est déçu que je me suis rendu compte que j’avais dépasse les 1000 suivants pour atteindre 2095. Alors les 3000, soyez sûr que je fus attentif, et peu importe l’endroit où je serais, je m’arrêterai pour fêter ça !

 

14 juin, j’ai envie de contempler le lever de soleil sur les montagnes. De les deviner à travers la brume matinale, de les en voir émerger tels de fiers navires.
Alors tôt, je file, il fait encore froid et je suis seul sur les routes. Je m’arrête même pour enfiler mon manteau.
Le froid ou la vue à couper le souffle, je ne sais pas, mais c’est magnifique, j’en frissonne. Je regrette que mes compagnons de route soient restés à l’hôtel, j’aurais aime partage cela avec eux.
Enfin, je les retrouverai plus tard.

Peut être, ou pas. Incompréhension mutuelle, parcours différents, il semble que je doive me rendre à Montréal ou à Toulouse si j’escompte les revoir. Ainsi vas la vie et ses aléas.
Enfin, cela fait toujours des personnes à visiter !

Me revoilà seul, alors je continue, profite du paysage et tente de me rapprocher le plus possible de Cao Bang, ma prochaine « grande » destination. Une ville se trouve à mi-chemin, Bao Lac, c’est là que je passerais la nuit.

15 juin, Anouck finit à 18 heures, elle m’a donnée son adresse, charge à moi de la trouver.
Anouck ?!
Ma nouvelle couchsurfeuse. Ça faisait longtemps que je n’avais pu voyager comme cela, ça me fait plaisir de renouer avec ces habitudes.
Donc Anouck, francophone, mais aussi germanophone, anglophone, et apprenant le Vietnamien. Belge de sa naissance, grande et énergique, souriante et entreprenante, après tout un tas de pays elle se retrouve au Vietnam, à Cao Bang, ville sans touristes, ou si peu. Elle est fière d’être une des rares Occidentales, c’est sa ville ! Et on la comprend !
Travaillant dans l’étude et la mise en place des systèmes hydrauliques, on peut dire que le Vietnam est pour elle un bon terrain de jeu.
Je resterais plus longtemps que prévu, peut-être à cause de sa gentillesse, de son lave-linge, de la ville, aucune idée. Mais à coup sûr, parce que je m’y sentais bien !

Dans la région de Cao Bằng, vous aurez fort a faire et a voir, entre les chutes d’eau de Ban Gioc, le lac Thang hen, le village des forgerons (allez y le matin, très tôt, l’après-midi il fait trop chaud pour marteler l’enclume) et les diverses spécialités locales… Mes quelques jours ici sont passes a toute vitesse ! Un régal.


Mais ici, l’attraction, la vraie star, celle dont on ne se lasse jamais, c’est bien la nature !


Mince, nous sommes en retard, en retard ! Et pourtant nous étions en avance. Bières, transat, drapeaux et maillots de la Belgique étaient déjà prêts, comment avons-nous pu arriver a la bourre !? Nous avons raté l’hymne officiel, et dire que nous nous étions entraînés pour ! Quel Dommage.
Enfin, nous y sommes, on s’installe, 1 bière pour moi, 5 pour ma camarade, et en avant la musique !
Oui, s’ils ont mis des écrans géants sur la grande place de la ville, qu’ils diffusent en direct les matchs de l’euro, que je suis hébergé par une Belge et que ce soir son pays joue, c’eut été de la dernière muflerie de ne pas l’accompagner.
Et puis dans le genre cocasse, avec des dizaines de voitures électriques conduites par des enfants qui vous prennent pour le rond point central, c’est pas mal.
Quand en plus l’une des conductrices, âgée d’une dizaine d’années, s’arrête dans son hummer en plastique à vos côtés, engage la conversion et vous demande votre numéro de téléphone, vous vous dites que vous atteignez des sommets !
Pour la petite histoire, 5 minutes avant la fin du match, la mairie a dû estimer que la plaisanterie avait assez duré, et sans préavis aucun, les écrans se sont éteints !
Les brutes !
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20 juin, dubitatif quant au temps nécessaire pour vendre Hoài, je préfère rentrer sur Hanoï. Départ à 7 h et c’est parti pour 199 kilomètres direction Thái Nguyên. J’ai pris contact avec un couchsurfeur de la ville, lui demandant s’il était possible contre la promesse d’un verre de m’accompagner dans un garage et de servir de traducteur.
C’est que j’aimerais bien faire un bilan complet de Hoài, savoir ce qu’il faut ou non changer avant de la vendre, et ça en vietnamien, ce n’est pas facile !
Café contre traduction, c’est un échange honnête.
Nous voilà donc tous deux en train de marcher dans la ville pendant que le garagiste est au petit soin avec Hoai.
Une petite heure pour se dégourdir les pattes, ce n’est pas du luxe, surtout que je ne le sais pas encore, mais il me prendra l’envie en fin d’après-midi de repartir, pour me rendre à Hanoï et me dire qu’enfin, je ne conduirais plus.

Ainsi, en fin d’après-midi après une petite heure et demie de route me revoici à Hanoï, terme de mon voyage en moto. Dire que je ne suis pas triste ou nostalgique à l’idée de la vendre et de tourner la page serait mentir. Les sentiments sont conflictuels.
Elle m’a offert des moments et des joies insoupçonnées, inimaginables, surement à la hauteur des galères et des pétrins dans lesquels parfois je me suis fourré.

Mais ne vendons pas la peau de l’Ours avant de l’avoir vendue, il me faut déjà procéder à la chose pour en tirer un bilan.

 21 juin, c’est l’été, les petites annonces fleurissent un peu partout, je les colle au mur des auberges de jeunesse, dans les restaurants, sur internet… Je ne suis pas pressé, mon prochain vol n’est que le 9 juillet, mais si je pouvais la vendre rapidement, j’aurais le cœur plus léger.

Devant l’absence de réponse, je change de stratégie, modifie le prix à la baisse, retravaille mon annonce, écume les forums…
Et en dernière solution, nous transforme tous les deux en « homme sandwich »…


La libération viendra finalement d’un français, François, expatrié à Bangkok, en villégiature à Hanoï, rencontré au détour d’une soirée couchsurfing, se prolongeant en karaoké, se terminant sur une poignée de main chaleureuse et un échange de numéros de téléphone.
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Nous nous revîmes les jours suivants pour échanger sur nos aventures et discuter sur la vie en Asie, sur les appareils photographiques (oui, j’en cherche vraiment un !) et finalement de me dire :
« ta moto, tu as une annonce ? »
Réfractaire à l’idée de vendre des choses à des gens que j’apprécie, moi et ma conscience nous hésitâmes, longtemps (il peut s’en passer des choses dans une tête en une fraction de longue seconde).
La transaction fut conclue quelques jours plus tard, le 24 au matin. Ému, je conduis une dernière fois ma moto jusqu’à chez son ami.

Un peu triste de m’en séparer, mais le cœur léger de le faire.
Nostalgique de nos moments passes, me jurant que l’on ne m’y reprendrait plus, mais regardant déjà des articles de journaux sur des voyages en moto à travers le monde…
Je pense qu’une relation conflictuelle est née, je l’espère longue et intense.
L’imagine pleine de promesses et d’envie de liberté.
Mais ça, ce sera pour une autre fois.

23 Juin, j’ai besoin de me reposer, de faire le point sur les derniers événements, sur ces expériences passées.
Ce n’est pas aussi simple que de rentrer chez soi et de reprendre une vie ordonnée, se dire qu’avec le temps souvenirs et expériences prendront leur place dans des jolies cases.
Je n’ai ni le temps ni la routine pour.
Bientôt je changerais de pays, encore, de continent, de langue et de culture.
Alors il faut s’y préparer, accepter les changements opérés au plus profond de soi. Pour faire peau neuve, pour être prêt, encore, à apprendre, à découvrir, sans jugements.

Une seule solution : du repos, des amis et du temps.

Où donc ? Nha Trang, j’y ai mes marques, je me sentirais presque comme à la maison, et je sais que là-bas, j’aurais le temps de décompresser et de vous écrire.

Néanmoins je viens de rencontrer quelqu’un à Hanoï, un Français, encore, je vais finir par croire que nous sommes plus qu’intéressants !
Une estime mutuelle s’est crée, c’est qu’il est intéressant le bougre, il a des choses à m’apprendre. Je diffère donc mon départ, j’ai envie de prendre le temps de parler avec lui, d’échanger. Il semble douer dans l’ouverture des squats, dans les modes de vie alternatifs, voici des sujets et savoir-faire qui m’intéressent énormément, j’espère avoir la chance de le revoir.
Après un dernier café à l’œuf — une énième délicieuse spécialiste du Vietnam — nos chemins se séparent, pour l’instant.
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Quelles sont étonnantes ces rencontres que l’on fait le long de la route, parfois elles ne durent qu’un instant, mais l’on sait bien, que ces gens, on aimerait les revoir, un jour, ailleurs.

25 juin, 18 h, départ pour Nha Trang, un premier bus s’en va, nous roulons toute la nuit.
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J’avais pourtant insisté, je voulais avoir une place à l’avant et au rez-de-chaussée, sinon c’est impossible de dormir, les cahots nous font bondir en tout sens.
Le vendeur de me répondre : « oui oui, regardez, je l’ai écrit sur le papier »
Comment lui faire comprendre que je sais très bien que cela n’a aucune valeur, que c’est du vent, qu’il se moque de moi et que je serai assis partout… sauf là où j’ai envie !
Ce qui fut le cas, à l’étage et à l’arrière, ce fut un voyage pareil aux montagnes russes. Mais qu’importe, à chaque cahot je me rapprochais davantage de Nha Trang.

26 juin, 8 h, arrivée à hué, changement de bus, le troupeau se rue en dehors, je vois au loin une enseigne de ma compagnie de bus. Je n’ai pas fini de produire mon billet que déjà la dame me crie « late late », hèle un scooter, m’installe de force dessus et nous traversons la ville à toute vitesse pour rattraper mon bus. Je n’ose penser aux autres passages qui voulaient/devaient prendre ce même bus.
Côté organisation, c’est sur les chapeaux de roues.


11 h, nous sommes à Hoi An, je me rapproche, changement de bus, le vendeur, me dit qu’il n’y a plus de places ni pour aujourd’hui ni pour demain, mais qu’il connait un très bon hôtel…
Je ne veux même pas en entendre parler. C’est fou comme je peux avoir l’air sévère et mécontent parfois ! Toujours est-il qu’après un bref coup de fil j’ai une place dans le prochain bus, royal !

27 juin, 5 h du matin, nous entrons dans Nha Trang, j’ai vraiment l’impression de revenir à la maison, je reconnais les lieux.
Je suis même capable de demander au chauffeur de m’arrêter à la prochaine, je finirais à pied, sous la bruine matinale.
Je n’en reviens pas moi même, que de chemin parcouru !
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28, 29, 30 juin, sans cesse je le repousse, encore et encore. Ce moment, celui où je devrais écrire, tout régurgiter, mettre à plat, peser les mots et les phrases.
Je n’en ai pas envie, ça me fait peur, je ne sais pas par où commencer.

1 juillet, feuille blanche

2 juillet, je vais courir sur la plage, pieds nus, il est 6 h, le soleil est déjà haut dans le ciel, je transpire, mais quel plaisir que de retrouver ces sensations de course.
Je pense que c’est là que le déclic s’est fait, courir aide à réfléchir, à se vider l’esprit, nous ramènes à l’essentiel, à la respiration.

3, 4, 5, 6 juillet, j’écris, je noircis des feuilles, use mon clavier, peste contre lui,  car décidément les qwerty sans accents, ça m’énerve !
Mais ça me fait un bien fou, je revis mon voyage, tri mes photos, assimile ce qui s’est passé, le digère et souris. 6 heures par jour, j’écris.
Ce vécu, enfin, je l’accepte. Ces erreurs et ces choix, tout, c’est moi, cela fait partie de moi maintenant.
J’ai l’impression d’être plus fort, plus vivant, grâce a ces mots, grâce a vous, avec qui je partage, je me sens heureux.
Merci d’avoir pris la peine de me lire jusqu’ici.
De prendre le temps, encore, dans le futur de me lire, de voyager avec moi, et pourquoi pas si l’envie et le courage vous prennent, de me rejoindre dans ma grande ballade !

Je vous embrasse.
Donatien

 

9 juillet, départ pour la Nouvelle-Zélande, ça y est, je suis effrayé, dans quelques jours je m’envole, pour la première grande étape de mon voyage, que dis je, pour le pays qui à amorcé ce périple, celui qui m’a mis sur la route, pour lequel j’ai saute a pied joint dans l’aventure, quitté mon boulot, changé ma vie.
Je me revois, à Saint Barthélemy, imaginer ce futur. Si j’avais su…

Je suis effrayé.

J’adore.

À Saint-Barthélemy, mon collègue Jean-Paul  avait un T-shirt, dessus était écrit une phrase que j’ai souvent répétée aux enfants à qui j’enseignais la voile, que je me suis souvent répétée à moi même quand le doute me prenait :

« Without fear there is no courage »

« Sans peur, il n’y a pas de courage »

 

Une réflexion sur “de 2734 à 3926 kilomètres

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